Alors, Rillons ou rillauds?
C’est une guerre insolite, mais une véritable guerre, qui se déroule entre les fervents gourmands défenseurs de l’un ou de l’autre. Et cette guerre est d’autant plus vive, au long des siècles, qu’elle est en fait soutenue par une compétition entre deux villes, Tours et Angers, fers de lance respectifs de la Touraine et de l’Anjou !
Dans les deux cas, il s’agit de cubes de poitrine de porc, de quelques centimètres de longueur, largeur, et hauteur, et où maigre et gras alternent en couches, l’idéal se situant vers une proportion de deux tiers de viandes maigres pour un tiers de gras. La cuisson, longue, donne un résultat fondant, et très « goûteux ».
Mais alors, dira-t-on, puisque ce descriptif convient aux deux produits, pourquoi deux noms, et pourquoi une telle guerre ?
Le Rillon
Ah, la, la… mais ce n’est pas du tout la même chose, voyons !
Déjà, beaucoup plus raffiné, beaucoup plus subtil (là, vous devinez facilement si l’auteur est tourangeau ou angevin… !), le rillon se présente, comme l’autre, sous forme de cubes de poitrine de porc mais, évidemment, et c’est là une différence absolument fondamentale, ces cubes sont découennés.
Résultat, n’étant pas recouverts par une première couche de couenne, dure, on peut mordre dans les rillons à belles dents, sans contrainte, dans la belle liberté d’un moment festif, un verre à la main ! Et on peut les découper tout en chantant la chanson des rillons, sans se tortiller à retirer la couche de couenne…
Et puis, le fait de s’être débarrassé avant cuisson de cette surface dure permet à celle-ci (à 95° pendant une heure ou deux selon grosseur, quand même !) de mieux le pénétrer, de mieux l’enrober, de mieux le fondre…
Enfin, on a utilisé tout à l’heure le mot « subtil ». Et, quoi qu’on en dise, il faut bien reconnaître qu’une maîtrise méticuleuse de la cuisson aboutit à ce que l’extérieur, brun, tranche un peu avec l’intérieur, plus rosé, le tout produisant à très délicat mélange de saveurs… subtilement différentes !
Pour finir, on dira que ce qui est également subtil, malin, rusé, c’est que les Tourangeaux se sont bien gardés de faire une promotion effrénée de ce produit, qu’ils préfèrent garder pour eux sans rien dire ! Aussi, en dehors du département, les rillons sont très peu connus.
La fabrication des Rillons
À l’origine, ces rillons étaient fabriqués à la ferme, quand on tuait le cochon, et c’était une façon de conserver la poitrine. Après cuisson, ils étaient conservés dans des pots, noyés dans la graisse qu’ils avaient perdue pendant l’opération, soit environ un tiers de leurs poids d’origine.
On les plaçait en marmite, et on les faisait rissoler dans du saindoux. Ensuite, il y a ajout d’arôme Patrelle, un complément alimentaire composé à l'origine de jus d'oignons brûlés, puis le tout est mouillé au vin blanc, ou au marc, et aromatisé avec poivre, épices, thym et laurier. Et c’est ensuite la longue cuisson…
Il faut reconnaître qu’il est maintenant assez rare de trouver ces rilllons véritablement fabriqués à la ferme, et qu’ils sont maintenant plutôt le fait de charcutiers traiteurs ayant repris les vieilles recettes.
La chanson des Rillons
Évidemment, dès que l’on parle de choses bonnes à manger, festives et conviviales, et qu’il est possible d’accompagner d’un petit vin frais, il y a une chanson pas loin… les rillons ne font pas exception à la règle :
« Quand le charcutier fait dorer la poitrine
Quand l’artisan sérieux respecte le produit
C’est le Roi Rose qui trône à la cuisine
C’est le porc de Touraine en sa charcuterie
Rions, rions amis de Touraine
Rions, rions autour des rillons
Rions, rions gourmets de Touraine
Fêtons, fêtons rillettes et rillons
Par Balzac si friand de nos brunes rillettes
Par Saint-Antoine pour toujours notre patron
Louons ces succulences dans notre assiette
Goûtons toujours ensemble le bon beurre de cochon
A vous à vous nos rillettes de Touraine
A tous à tous proposons nos rillons
Chantons, chantons, gourmets en Touraine
Fêtons, fêtons rillettes et rillons »
…et les rillauds ?
Pour ceux qui veulent absolument se renseigner sur ce produit soit disant si proche, mais en fait si éloigné, nommé Rillaud dans la région d’Angers, et dans un souci d’objectivité, afin d’offrir une information aussi large que possible, et sans préjugés, le « Grand Ouest insolite » a également réalisé un article sur le sujet, dont le titre est, évidemment, le reflet inversé du titre présent, à savoir «Rillauds ou Rillons, guerre gourmande entre Angers et Tours ! »